Préparateur privé de voitures pour la compétition Milenko Vukovic se bat à armes inégales contre une concurrence soutenue officiellement.
Une fois de plus, le principe qui veut que nul ne soit prophète en son pays est de mise. Propriétaire d’un garage et d’une carrosserie qui emploient une douzaine de collaborateurs à St-Margrethen au bord du lac de Constance, Milenko Vukovic s’est, en parallèle, spécialisé dans la préparation de voitures de course, aujourd’hui plus particulièrement de Renault Megane aux normes du règlement TCR. Méconnue en Suisse, la société Vukovic Motorsport jouit pourtant d’une sérieuse réputation autour du globe puisque l’une de ses autos est récemment montée sur le podium d’une course en Australie. De plus, histoire de donner encore un peu plus de crédibilité à ses vingt ans d’expérience en matière de préparation automobile, Vukovic s’est ‘offert’ les services d’Eric Nève pour diriger son équipe de TCR Europe. Pour les profanes, Eric Nève était, notamment, responsable de l’écurie Chevrolet en WTCC et possède une connaissance approfondie du domaine des courses de voitures de tourisme. A tel point que dans le discours de Milenko Vukovic une petite phrase revient de manière récurrente, «c’est la faute à Eric». Avec un large sourire, évidemment.
D’où vient votre passion?
«Je suis tombé dans la marmite du sport auto il y a une vingtaine d’années. J’étais d’abord pilote, puis j’ai commencé à préparer des pièces, des accessoires pour d’autres pilotes ou équipes… Je fabriquais et développais, entre autres, des éléments de sécurité et de refroidissement.»
Qu’est-ce qui vous a mené au TCR?
«En 2016, j’ai développé ma première voiture. C’était une Audi A3 et je courrais en Allemagne dans le championnat des voitures de tourisme DTC dont j’ai remporté le classement pilotes, équipes et constructeurs.»
Et aujourd’hui vous êtes fiancé à Renault…
«C’est la faute à Eric. C’est lui qui m’a proposé de viser plus haut et m’a fait profiter des nombreux contacts de son carnet d’adresses. C’est comme ça que je me suis retrouvé à construire et développer mes premières Megane RS sur la base du règlement TCR.»
Mais contrairement à vos adversaires, vous êtes véritablement un team privé…
«En effet. Renault Sport m’accorde sa confiance, accepte de me donner une légitimation mais n’entre pas en matière financièrement. Je suis donc véritablement LE privé du plateau TCR Europe. Heureusement mon garage et ma carrosserie fonctionnent bien et me permettent de financer ma passion du sport. Reste que mes moyens financiers sont très, très faibles et limitent les possibilités de développement… Mais j’espère vivement que cette situation changera et que Renault entrera véritablement dans mon projet, un jour.»
Cela dit, Renault ou pas, vous êtes un fan de TCR…
«Cette série est absolument incroyable… Elle couvre le monde entier. Dernièrement en Australie, une de mes voitures a permis à son pilote de monter sur le podium… James Moffat a terminé 3ème de la 2ème course… Au Hungaroring, nous avons atteint la Q2 et étions parmi le top 10… C’est fantastique!»
Vous avez l’air heureux… et perplexe à la fois. Que se passe-t-il?
«D’une part, c’est génial de pouvoir être là. De l’autre, c’est très dur de lutter contre des équipes qui sont largement soutenues par les usines telles que par exemple, Audi, VW, Hyundai et d’autres…»
Mais vous restez optimiste, non?
«Oui. Nous avons déjà fortement amélioré les prestations de la voiture… Après les gros problèmes de début de saison avec le moteur, j’ai décidé d’ouvrir le capot et de m’occuper aussi du seul élément que je n’avais pas encore touché. Et ça va de mieux en mieux… Je suis très confiant, certain que même sans investir des millions nous connaîtrons bientôt le succès.»
D’autant plus que vous avez un pilote d’expérience?
«C’est encore la faute d’Eric… Oui John Filippi est un bon pilote, il a une grande expérience du tourisme après avoir roulé en WTCC et c’est une chance de l’avoir avec nous.»
Parlons un peu de votre business…
«A la base je travaille sur des voitures de série et j’apporte toutes les modifications réglementaires autorisées par le cahier des charges du TCR… Actuellement six Megane sorties de mes ateliers sont sur les circuits, deux roulent en Australie, deux en TCR Europe de l’Est, et deux en TCR Europe. Pour être clair, les autos sont développées et homologuées par mon équipe et les clients s’occupent de les faire rouler.»
Et l’aventure continue…
«Là, nous commençons une nouvelle petite série de 5 voitures commandées par des équipes étrangères… Renault Nouvelle Zeeland est intéressé à mon travail et veut collaborer avec moi. C’est incroyable!»
Et malgré tout, vous avez un regret…
«Effectivement. En Suisse personne, ou presque, ne me connaît même si mes autos sont réputées à travers le monde et que nous faisons partie des équipes du TCR Europe. Mon rêve serait que les écuries, les pilotes et les observateurs du pays fassent un peu mieux connaissance avec notre entreprise.»
«Pour terminer, j’aimerais vous raconter une petite histoire… Un jour, un homme m’appelle depuis l’Australie et me dit qu’après avoir déjà visité les préparateurs agréés par les grandes marques, Honda, Audi, Hyundai et autres, il veut venir chez moi. Je l’ai averti qu’il pourrait être déçu de la taille de mon entreprise, que ma structure était très différente de celles qu’il avait vues et que le voyage de Melbourne pourrait ne pas être rentable… Il a insisté, est venu et m’a acheté deux Megane dont celle évoquée plus avant avec un podium à la clé.»
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