Rarement les 24 Heures du Mans ont été aussi insipides… A la pointe du peloton du moins.
Programmée, la victoire de Toyota, jusque-là incapable d’aller au bout du bout, a quelque peu pourri le millésime 2018 de la course mancelle. Et force est d’écrire qu’en mal d’image et de constructeurs, l’ACO et le WEC avaient tout misé sur la victoire de Toyota d’une part, de Fernando Alonso de l’autre, pour redorer un blason devenu bien pâle. Sur la piste le pari est gagnant! Mais heureusement que les LMP1 privées, les LMP2 et autre LMGT ont assuré le spectacle deux tours d’horloge durant, sinon???
Même les télévisions ne s’y sont pas trompées en «oubliant» les Toyota pour concentrer l’essentiel des images et commentaires sur les splendides bagarres de ce que d’aucuns considèrent comme les second couteaux… Reste qu’avec une pointe de chauvinisme helvétique, nous ne pouvons que lever notre casquette, c’est plus pratique qu’un chapeau, devant la victoire de Sébastien Buemi, les belles places d’honneur des deux Rebellion en LMP1 et les podiums d’Hirschi et De Sadeleer en LMP2…
Sur le circuit de la Sarthe, les deux voitures nipponnes avaient déjà écrasé les qualifications en reléguant les LMP1 privées à quatre secondes et plus… En tournant comme des avions, sauf quelques petits couacs à la Toyota, elles ont encore complètement survolé les 24 heures de course permettant à Sébastien Buemi de devenir le troisième suisse à s’imposer au Mans. Cela non sans mettre la pagaille dès la première chicane en l’abordant bien trop prudemment et en obligeant les autres P1 et le peloton à composer avec un ralentissement qui, quelques dizaines de mètres après la ligne de départ, n’était pas vraiment au programme… Sans commentaire! Une aventure dans laquelle André Lotterer était obligé d’effectuer une manœuvre désespérée et perdait le capot avant de sa Rebellion. «Une pièce mal fixée», selon les dires du pilote et de l’écurie (?). Malgré son passage par le garage, la Rebellion figurait en 9ème position au terme de la première heure… Mais c’est alors la voiture de SMP Racing qui était en tête des LMP1 privées… Après 2 heures Lotterer et ses amis (Jani-Senna) avaient encore gagné trois rangs… Devant la lutte faisait toujours rage entre SMP et la seconde Rebellion (Bèche-Laurent-Menezes)…
Dans le même temps, en LMP2, ils étaient quatre ou cinq équipages à se mener la vie dure et à s’échanger les premiers rangs… Avec un petit avantage pour la G-Drive #26 (Rusinov-Pizzitola-Vergne) qui finira par l’emporter mais sera finalement exclue par les commissaires techniques… Porsche était en tête des deux catégories GT (Pro et AM) mais sous la menace de BMW, Ford ou encore Ferrari. Après six heures, au quart du parcours, les Rebellion étaient P4 et P5… C’est la voiture #23 de l’écurie Panis-Barthez qui suivait la G-Drive… Et les Porsche n’avaient pas quitté leurs positions de leader en GT…
A mi-course, les Rebellion étaient en tête du peloton des LMP1 privées. C’est maintenant l’Alpine de Signatec qui pointait en 2ème position des LMP2… Et les Porsche… Même topo, ou presque, aux ¾ du pensum… Si ce n’est que la Ligier de Panis-Barthez avait repris sa 2ème place… Et au drapeau à damiers, la Rebellion #3 montait sur le podium général alors que la #1 était chocolat… «Premières des voitures non hybrides», annonce le communiqué de l’écurie suisse qui espérait mieux encore… Mais ne faisons par la fine bouche, fraîchement construites les deux voitures de l’écurie helvétique sont à l’arrivée et qui plus est en tête des LMP1 privées. C’est déjà une sacrée réussite! En LMP2, G-Drive l’emportait devant Signatec et Graff… Et au final, même si tout reste provisoire, c’est l’Alpine de Lapierre-Negrao-Thiriet qui hérite de la victoire avec quelques heures de décalage et deux autres helvètes qui montent sur le podium. A savoir, sur la 2ème marche, Jonathan Hirschi qui partageait le volant de l’Oreca de Graff-SO24 avec Capillaire et Gommendy, sur la 3ème Hugo de Sadeleer qui roulait avec Owen et Montoya chez United Autosports et bénéficie non seulement de l’exclusion de G-Drive, mais encore de TDS.
Chez les GT, la catégorie Pro revient à la Porsche #92 (Christensen-Estre-Vanthoor) la Porsche 91 et la Ford 68 complétant le podium… Signalons au passage, que la Corvette de Marcel Faessler a été contrainte à l’abandon. Et en division Am, Porsche s’impose encore avec (Campbell-Ried-Andlauer) devant deux Ferrari…
Notons encore, pour la petite histoire, que malgré le ramdam fait par l’ACO, la FIA et le WEC autour d’Alonso, ce dernier ne signe que le 5ème meilleur chrono général, toutes séances confondues, assez loin derrière ses deux coéquipiers chez Toyota, Nakajima et Kobayashi, dans l’ordre suivis de Buemi et Lopez… En course, Buemi, Lopez, Conway mènent la danse des chronos les plus rapides, Alonso est 4ème… Et Neel Jani est le plus rapide des LMP1 privées, juste derrière les six pilotes Toyota… Et même si comparaison n’est pas raison, relevons aussi que la Toyota victorieuse, celle de Buemi, a fait 388 tours, soit 5’286.3 kilomètres à une vitesse moyenne de 220.1 km/h…. La Rebellion #3, a terminé à douze tours avec un kilométrage de 5’122.8 et une moyenne de 213.1 km/h… Et ajoutons qu’avant ce week-end de juin 2018, Toyota avait engagé 47 voitures au Mans, sans jamais pouvoir l’emporter… Lacune aujourd’hui comblée et qui fait de Toyota les 2ème constructeur nippon, après Mazda en 1991, à inscrire son emblème au palmarès de la boucle mancelle, alors que Kazuki Nakajima devient le premier japonais à l’emporter au volant d’une voiture de même nationalité que la sienne. En conclusion, relevons que chez Porsche, qui fête son 70ème anniversaire, les deux victoires de classes enregistrées au Mans 2018 portent à 107 les premiers rangs décrochés par la marque de Zuffenhausen dans la Sarthe.
Crédit images: cp Toyota, Rebellion, Porsche. Site WEC