Misérables, les manœuvres de Di Grassi n’ont pas suffi. Le talent de Sébastien Buemi a fait la différence.
En écrivant sa fable «Le rat et l’huître» Jean de La Fontaine ne savait évidemment pas que la morale de son histoire collerait parfaitement au final de la deuxième saison de Formule E. «Tel est pris qui croyait prendre», le principe colle pourtant parfaitement aux manœuvres lamentables de Lucas Di Grassi pour empêcher Sébastien Buemi de décrocher le titre mondial. A l’époque déjà (17ème siècle) La Fontaine se moquait des pseudos malins qui pensaient tromper quelqu’un et finissaient par être victimes de leurs propres manigances. C’est malheureusement pour le sport et son esprit exactement ce qui est arrivé lors de la manche finale du championnat 2015-2016 sur le carrousel de Battersea Park à Londres. Une piste par ailleurs indigne d’un tel événement tant elle est bosselée, le mot est faible, et étroite… Mais c’est une autre histoire.
Pour mémoire, Londres accueillait deux courses pour mettre un point final en apothéose à un championnat par ailleurs aussi disputé qu’intéressant et passionnant. Le bruit en moins pour les puristes… Samedi (2 juillet), à l’orée de l’avant dernier affrontement, Di Grassi (Abt Schaeffler Audi Sport) menait le bal avec un point d’avance sur Buemi (e-dams Renault)… Le Brésilien et le Suisse étaient les deux seuls candidats au titre.
Samedi. Une météo très londonienne faisait le bonheur des uns, le malheur des autres… Les pilotes jonglaient entre éclaircies et averses, dur dur… Après deux séances d’essais libres dominées par les pilotes e-dams, l’heure était aux qualifications. Lors du tirage au sort, Buemi et Di Grassi se retrouvaient dans le même groupe… Et sortaient ensemble pour danser sous la pluie. Résultat: impossible de claquer un chrono digne de ce nom alors que d’autres groupes avaient bénéficié d’un tracé sec. Di Grassi P10, Buemi P12… Le duel au cœur du plateau promettait.
Une fois encore la course allait tenir en haleine même les observateurs les plus réfractaires de ces Grand Prix électriques. Di Grassi profitait de l’aide, à la limite de la correction, de son coéquipier Abt pour prendre un peu de marge sur un Sébastien Buemi bouchonné et énervé, mais qui finissait par revenir dans l’aileron de son rival, sans toutefois pouvoir le passer… La lutte pour le titre était à ce point intense que d’autres événements étaient quasi ‘oublier’. Par exemple, la première ligne de la grille composée de Prost (Nicolas) et Senna (Bruno) de quoi rappeler quelques bons souvenirs aux plus âgés d’entre nous… C’est le fils d’Alain qui passait en tête sous le drapeau à damier alors que le neveu d’Ayrton préservait sa deuxième place. Di Grassi terminait 4ème, Buemi 5ème… Au championnat, le Brésilien creusait légèrement l’écart désormais chiffré à 3 points.
Dimanche. Pas de pluie au programme, mais une sérieuse panne de courant, un comble, qui provoquait l’annulation de la deuxième séance libre. Lors de la première, et unique, Sébastien Buemi avait annoncé la couleur en signant un chrono d’enfer… Il rééditait son exploit en qualifications puis décrochait la super pole, comptabilisant ainsi 3 points qui lui permettait de revenir à égalité parfaite avec Di Grassi avant l’ultime manche. Mieux encore dans la perspective de la bagarre programmée, Nico Prost était en 2ème position sur la grille, entre son coéquipier et Di Grassi.
Extinction des feux rouges… Départ… Deux légères courbes, Di Grassi s’infiltre, mieux vaut ici écrire force le passage, à l’abord du véritable premier virage après le départ… Et patatras! Après avoir touché Prost, il harponne Buemi. «Une manœuvre sans discussion volontaire», dirons les observateurs les plus attentifs et les consultants de télévision, par ailleurs anciens pilotes, des chaines anglaises. En fait une idiotie totale, œuvre d’un excité de première, qui savait que si Buemi ne poursuivait pas la course il héritait du titre… Dommage que dans la panoplie des distinctions de la FIA le prix de la bêtise ou de l’anti-sportivité n’existe pas.
Toujours est-il que la finale qui s’annonçait si belle était ruinée. Mais le Sieur Di Grassi n’allait pas s’arrêter en si bon chemin. Les deux pilotes ayant pu repartir avec des monoplaces plus ou moins endommagées, restait pour Buemi à établir le meilleur chrono en course, histoire de marquer les 2 points attribués en la circonstance et à passer devant son misérable rival. Lequel, loin de songer à redorer son blason qui avait perdu tout éclat, s’enfonçait dans une crétinerie crasse… Il observait le déroulement des opérations chez e-dams et à plusieurs reprises sortait de son box pour entrer en piste devant Buemi et ralentir l’allure afin de l’empêcher de claquer un chrono. Pathétique et lamentable à la fois. Incapable de lutter à la régulière avec les voitures bleues et jaunes de e-dams Renault, les Allemands de Abt Audi sombraient dans le ridicule. Heureusement le talent a fini par vaincre la médiocrité. Buemi a réalisé un temps extraordinaire. Di Grassi à essayer une pâle imitation, mais Buemi en a remis une couche, épaisse… Et le bouffon du jour est sorti de sa voiture, dégoûté!
Sébastien Buemi est champion du monde! «Je suis triste de voir comment Di Grassi s’est comporté… J’étais très respectueux de sa conduite, il a connu des moments exceptionnels. Malheureusement pour lui, sa voiture n’est pas à la hauteur et s’il était resté derrière Nico et moi il n’avait aucune chance de passer car nous sommes bien plus rapides. Alors il a choisi l’accident…» Et encore: «C’est génial d’être champion après une saison très difficile. Honnêtement, ce n’est pas de cette façon que je voulais remporter le titre aujourd’hui. Mais je suis très heureux pour tout le monde. L’équipe a travaillé dur pour en arriver là. Et au final, le pilote le plus propre et le plus rapide s’est imposé, tout comme la meilleure équipe.» Nico Prost dira pour sa part: «je pense que Di Grassi voulait visiter Londres raison pour laquelle il est allé tout droit ignorant que Seb était sur son chemin…»
Ah oui, presque oublié dans ce capharnaüm, Prost à remporter la seconde course londonienne aussi… Et e-dams-Renault est champion par équipe. Autrement dit: carton plein!
Course 1.
- Nico Prost (e-dams). 2. Bruno Senna (Mahindra Racing). 3. Jean-Eric Vergne (DS Virgin). 4. Lucas Di Grassi (Abt Audi). 5. Sébastien Buemi (e-dams).
Course 2.
- Prost (e-dams). 2. Daniel Abt (Abt Audi). 3. Jérôme D’Ambrosio (Dragon Racing)…
Championnat podium final.
- Buemi, 155 points. 2. Di Grassi, 153. 3. Prost, 115.
Crédit images: site Formule e